Colonisation dans les territoires palestiniens

Colonisation dans les territoires palestiniens
Intervention de Mme Anne Gueguen, représentante permanente adjointe de la France auprès des Nations unies
Réunion du Conseil de sécurité en format en Arria - 09 mai 2019

Madame la ministre, chers collègues,

Cette réunion porte sur un sujet essentiel pour l’avenir du Moyen-Orient et la préservation de la solution des deux Etats : la politique israélienne de colonisation à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Comme vous le savez, la France n’a de cesse de souligner, devant ce Conseil, la gravité de la situation à cet égard. La France n’a cessé également de défendre la solution des deux Etats, solution qui est réaliste, parce que juste. Deux Etats : Israël, qui fête aujourd’hui le 71ème anniversaire de son indépendance et auquel j’adresse à cet égard mes sincères félicitations, et la Palestine, vivant côte-à-côte dans la paix et la sécurité.

1. Avant d’aborder la question de la colonisation, je souhaite revenir sur les développements des derniers jours à Gaza. Une nouvelle fois, la bande de Gaza s’est trouvée au bord du gouffre, sur le point de basculer dans un nouveau conflit comme elle en a connu trois au cours de la décennie.

La France a condamné avec la plus grande fermeté les tirs depuis la Bande de Gaza les 4 et 5 mai qui ont visé des zones habitées du territoire israélien et ont causé la mort de plusieurs Israéliens. Nous avons déploré les victimes civiles, de part et d’autre, de ces tirs et des affrontements qui les ont suivis. Ces développements sont d’une gravité sans précédent depuis 2014. Nous avons rappelé à cette occasion le droit des Israéliens comme des Palestiniens à vivre dans la paix, la dignité et la sécurité.

Nous saluons les efforts de l’Egypte et du coordinateur spécial des Nations Unies, Monsieur Mladenov, pour parvenir à un cessez-le-feu, et appelons les parties à observer la plus grande retenue.

Au-delà, nous rappelons une nouvelle fois qu’il n’y aura de stabilité durable à Gaza que dans le cadre d’un règlement négocié, qui passe par le retour complet de l’Autorité palestinienne, d’une part, et d’autre part par la levée du blocus assortie de garanties de sécurité crédibles pour Israël. Nous saluons à cet égard les efforts de l’Egypte pour relancer le processus de réconciliation inter-palestinien. Nous appelons également le nouveau Premier ministre palestinien Mohammed Shtayyeh à tout faire pour que ces efforts aboutissent.

2. Ceci me conduit à revenir sur la politique de colonisation, qui représente l’un des principaux obstacles sur la voie des deux Etats.

Depuis le début de l’année, plus de 4 500 nouvelles unités de logement ont fait l’objet de décisions d’approbation en Cisjordanie. Ceci s’inscrit dans le prolongement des années 2017 et 2018, l’an dernier ayant été marqué par un niveau record d’annonces, portant sur près de 16 000 unités de logement. Cette augmentation est d’autant plus grave qu’elle repose, dans des proportions sans précédent, sur la création ou l’expansion de colonies situées en profondeur de la Cisjordanie. Elle s’inscrit dans une politique de colonisation systématique, jouant simultanément sur tous les leviers : démolitions et déplacements forcés ; légalisation en droit israélien des colonies dites « sauvages » ; extension de l’application du droit israélien aux colonies de Cisjordanie.

Nous attendons que les autorités israéliennes renoncent définitivement à la démolition du village palestinien de Khan-al Ahmar, qui se situe dans une zone critique pour la viabilité de la solution des deux Etats.

Madame la Ministre, un quart de siècle après les accords d’Oslo, avec plus de 600 000 colons à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, nous sommes aujourd’hui proches du point de non-retour. Face à ce constat, la position de la France est constante :

- la colonisation est illégale en droit international : elle constitue une violation du droit international humanitaire, en particulier de la IVe Convention de Genève, ainsi que de plusieurs résolutions de ce Conseil en particulier les résolutions 446, 452, 465 et 2334.

- la colonisation est contre-productive : elle conduit à l’érosion, sur le plan territorial comme sur le plan politique, de la possibilité des deux Etats, et alimente désormais une dynamique d’annexion de fait.

- la colonisation est dangereuse : elle nourrit la violence entre les populations – qu’elle soit le fait de certains Palestiniens ou de colons radicaux –, et fait peser un risque permanent d’escalade.

Je souhaite donc rappeler que, conformément au droit international et aux résolutions de ce Conseil, la France ne reconnait aucune souveraineté israélienne sur les territoires occupés, qu’il s’agisse de Jérusalem, du Golan, de la Cisjordanie ou de Gaza. Nous l’avons dit à plusieurs reprises, y compris à la suite des décisions américaines concernant Jérusalem et le Golan, qui sont contraires au droit international et aux résolutions de ce Conseil.

Si elles allaient à leur terme, les tendances que je viens de décrire conduiraient à l’établissement d’un ensemble territorial unique – qui prend déjà forme sous nos yeux, et qui ferait coexister de manière inégalitaire deux populations sur un même territoire. Une telle réalité marquerait, pour les Palestiniens, l’échec de leurs aspirations nationales, et pour Israël, la fin de son identité démocratique.

En l’absence de tout horizon politique, la tentation peut exister de s’affranchir du cadre agréé, fondé sur le droit international et les résolutions de ce Conseil, et d’y substituer des décisions unilatérales. Or, toute tentative de s’écarter des paramètres agréés par la communauté internationale se condamnerait à l’échec : ces paramètres n’ont pas d’alternative viable ou réaliste. L’enjeu est de permettre aux Palestiniens d’être, comme les Israéliens, les citoyens à part entière de leur propre Etat, et non pas simplement d’améliorer leur quotidien.

Madame la Ministre, ce Conseil, qui a depuis plus d’un demi-siècle défini et endossé ces paramètres, ne peut se détourner du conflit israélo-palestinien. Le silence assourdissant observé par ce Conseil est devenu incompréhensible. Pour sa part, la France n’entend pas renoncer à ses efforts en faveur d’une paix juste et durable dans la région.
Je vous remercie./.

Dernière modification : 03/01/2020

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