Mme Colonna : "Cette semaine a démontré la centralité du système des Nations unies"

Conférence de presse de Mme Catherine Colonna,
Ministre de l’Europe et des affaires étrangères, à l’occasion de la 77e Assemblée générale des Nations unies

New York, 23 septembre 2022

Bonjour à toutes et à tous,

Nous voilà presque au terme d’une semaine bien remplie, bien qu’il me reste aujourd’hui à participer au suivi du Forum Génération Égalité, une trilatérale dans un format intéressant et nouveau qui est Inde-Australie-France et un entretien avec mon homologue australienne pour voir les suites concrètes que nous proposerons au Président de la République et au Premier ministre Albanese, après la visite de celui-ci à Paris, en vue d’un renforcement de nos relations et du retour à une relation de confiance entre nos deux pays.

Mais revenons sur ce qui a déjà été fait cette semaine.

Lundi, j’évoquais avec vous la guerre en Ukraine et les risques de fracturation du monde, un thème sur lequel, vous l’avez vu, le Président de la République est revenu longuement et avec force dans son discours devant l’Assemblée générale.
Durant cette première semaine de la 77e Assemblée générale des Nations unies, nous nous sommes donc efforcés d’y répondre en recréant des solidarités et en visant à contrer les logiques pernicieuses qui tendent à opposer les Etats de la communauté internationale bloc à bloc, et ceci en travaillant sur quelques grands sujets que je voudrais vous présenter.

D’abord, bien sûr, la guerre en Ukraine :
Cette semaine a été marquée par un constat clair, qui est celui d’une triple impasse dans laquelle s’est enfoncée la Russie.

Sur le terrain d’abord : comme le démontre ses récents reculs. Une impasse aussi vis-à-vis de la communauté internationale : la Russie, cette semaine l’a confirmé une nouvelle fois, est de plus en plus seule. Vous avez entendu les interventions à la tribune de l’Assemblée générale. Et la rhétorique irresponsable dont a cru bon d’user cette semaine le président russe l’isole encore davantage.
Et puis, une impasse vis-à-vis de sa population, avec une décision lourde qui a été prise par le même président, population russe qui comprend, j’en suis persuadée, de moins en moins pourquoi elle doit subir les conséquences d’une guerre inutile, illégale et injuste, et d’une guerre qu’elle n’a pas choisie.

Face au discours provocateur du président russe, le Président de la République a rappelé que notre stratégie n’était pas l’escalade, mais celle de la responsabilité et de la paix. Je n’y reviens pas.

Nous avons développé ce thème lors de notre réunion hier du Conseil de sécurité, réunion que j’ai présidée et qui mérite votre attention parce qu’elle est importante en elle-même comme par ce qui y a été dit.

D’abord, c’était la première réunion ministérielle du Conseil de sécurité consacrée à l’Ukraine depuis le début de l’agression russe contre l’Ukraine, le 24 février dernier, première réunion à niveau ministériel en bientôt 7 mois.

Et puis sur le fond, et c’est ainsi que nous l’avions conçu étant en Présidence du Conseil de sécurité et souhaitant l’organiser, cette discussion sur la situation en Ukraine, et spécifiquement sur la lutte contre l’impunité, a contribué à replacer le débat sur la question des principes et du respect de la Charte. Il fallait le faire ici à New York, au siège des Nations unies.

La Russie s’est trouvée isolée hier au Conseil, face à des États qui ont tous martelé leur attachement à la Charte des Nations unies, au principe de la souveraineté des États et au respect de l’intégrité territoriale.

Et puis, dès le lendemain du discours de M. Poutine, entre ministres européens - nous avons eu un Conseil spécial – nous avons réaffirmé que rien ne ferait dévier notre trajectoire de soutien à l’Ukraine.

Hier matin, avant la réunion du Conseil de sécurité, je voyais une nouvelle fois mon collègue ukrainien, Dmytro Kuleba, et une nouvelle fois j’ai porté ce message de la France : le soutien politique, diplomatique, humanitaire, économique, financier, militaire de la France à l’Ukraine se poursuivra.

Vous l’avez entendu hier, le Conseil de sécurité a marqué un très large soutien à l’action de la Cour pénale internationale, et ceci a un poids particulier, quelques jours après la découverte de nouveaux crimes atroces à Izioum. Et à ce sujet, j’ai annoncé que nous contribuerions à titre national à l’enquête des autorités ukrainiennes par l’envoi en Ukraine d’une nouvelle mission d’experts de l’Institut de recherche de la gendarmerie nationale dans les jours à venir. Ce sera fait très rapidement. La justice doit passer et elle s’appuiera sur des preuves.

Le débat d’hier a aussi mis en lumière l’inanité de la propagande russe qu’a énoncée le ministre des affaires étrangères de Russie, sans même écouter les attentes du Secrétaire général des Nations unies et du reste des participants à ce Conseil. Et peut-être même, m’a-t-il semblé, sans croire beaucoup lui-même à sa propagande.
Hier, l’isolement de la Russie était manifeste.

Et vous avez vu que M. Lavrov n’a fait que souligner cet isolement physiquement, visiblement en entrant dans la salle du Conseil uniquement pour prononcer son discours et en en sortant aussitôt après.

Dans cette triple impasse dans laquelle la Russie s’est placée, il nous semble qu’il est d’autant plus important de travailler à trouver des solutions concrètes pour régler ceux des problèmes qui sont les plus urgents.

La centrale nucléaire de Zaporijjia a été au coeur de nombreuses discussions cette semaine.

Dès lundi matin, c’était la première activité que j’ai eue après mon arrivée. J’ai ouvert ma semaine par une discussion avec Sergueï Lavrov, lundi matin, pour l’appeler à travailler de façon responsable et constructive avec l’AIEA et son Directeur général.

Ensuite dans la semaine, nous avons travaillé à rassembler un large soutien autour des propositions de l’Agence et de son Directeur général, M. Grossi, et nous avons pu adopter avec plusieurs partenaires une déclaration ferme et claire en ce sens. Vous en avez eu connaissance.

Et ce soutien de la communauté internationale dans un certain nombre d’États, et non des moindres, a permis au Directeur général d’engager dans la foulée des discussions, tant avec la Russie qu’avec l’Ukraine, visant à la mise en place rapide d’une zone de protection autour de la centrale. Et je crois pouvoir vous dire que ces discussions progressent même si c’est à l’AIEA de donner des détails, de poursuivre, et si elle le peut, comme nous le souhaitons, de conclure.

Il y a urgence.

Traiter de ce sujet, ô combien important et préoccupant, de la guerre en Ukraine ne nous détourne pas du règlement d’autres crises régionales et de la construction de partenariats de long terme avec autant d’acteurs que possible.

C’est ainsi que cette semaine, trois zones du monde ont été au coeur de nos efforts pour offrir de nouvelles approches : l’Afrique, le Moyen-Orient, l’Indopacifique. Je reviens sur chacune d’entre elles, rapidement.

Pour l’Afrique, s’agissant des Grands lacs, le Président de la République a réuni les présidents Tshisekedi et Kagame le 21 septembre. Vous savez qu’ils se voient assez peu, cela n’était donc pas sans valeur en soi. Mais aussi parce que cette réunion tripartite a permis de tracer un chemin de désescalade - nous voulons le croire - et s’est traduite par l’acceptation par les deux Présidents d’un communiqué conjoint. Là aussi, je vous y renvoie.

S’agissant du Sahel, deux réunions, mercredi puis jeudi, dans différents formats, m’ont permis de présenter à nos partenaires régionaux la nouvelle logique de l’engagement de la France au Sahel. Pour la résumer, une action qui est plus en soutien, en appui, en second rideau comme on dit sur le volet sécuritaire, et puis un fort accent mis en parallèle sur le volet civil et développement de notre action, avec une approche différenciée par pays, et le souhait que nous avons et que nous leur avons transmis d’être à l’écoute de leur propre stratégie nationale, et pour cela en attente de la définition par ces pays eux-mêmes de leur propre stratégie nationale.

Il faut qu’ils le disent à leurs partenaires. Et puis, vigilance aussi évidemment sur le calendrier des transitions puisque, dans plusieurs pays, se pose cette difficile question. Vous savez que le président Issoufou a été chargé par le Secrétaire général des Nations unies d’une mission. Nous avons donc jeudi évoqué les orientations de ses travaux. Ils doivent déboucher début 2023, donc à terme rapproché, par des recommandations pour renforcer la mobilisation internationale en matière de développement comme en matière de sécurité. Ces discussions d’étape de jeudi, sous la présidence du Secrétaire général des Nations unies et des instances africaines concernées, en présence du président Issoufou, se poursuivront en vue du sommet de la CEDEAO en novembre prochain.

Pour ce qui concerne le Moyen-Orient, j’ai eu pour ma part six bilatérales avec mes collègues d’Égypte, d’Arabie saoudite, des Émirats, de Jordanie, d’Irak, et avec le Président du Conseil présidentiel du Yémen, et le Président de la République au moins trois entretiens bilatéraux de son côté avec le Premier ministre du Liban, avec le président iranien et le Premier ministre irakien.

La sécurité régionale au Proche et Moyen-Orient a également largement occupé nos discussions cette semaine. Et dans la suite de la visite du roi de Jordanie à Paris la semaine dernière, nous avons travaillé avec mes collègues irakien et jordanien notamment en vue de la tenue prochaine à Amman d’une nouvelle conférence en format Bagdad. Un format intéressant parce qu’il associe des pays qui ont des choses à se dire. Nous espérons que cette conférence puisse se tenir dans les prochains mois.

Nous avons aussi évoqué évidemment la question relative au conflit israélo-palestinien, nos relations avec l’Autorité palestinienne. J’ai remercié l’Arabie saoudite de son soutien à l’UNWRA.

Et puis nous avons aussi parlé beaucoup du Liban, en réitérant notre appel aux acteurs libanais à faire preuve d’esprit de responsabilité, et de répondre à la demande des Libanais. Nous l’avons fait dans un format inédit avec Arabie saoudite et États-Unis, donc à trois, en rappelant que les élections doivent se tenir dans le calendrier constitutionnel prévu et que les réformes doivent être faites pour permettre la signature d’un accord complet avec le FMI, qui est bien indispensable au Liban vu la situation économique fragile dans lequel il se trouve.

Enfin l’Indopacifique.

J’étais en Inde la semaine dernière et j’ai pu constater à l’occasion de ce déplacement que notre approche claire vis-à-vis de la Chine, ferme s’il le faut, mais non confrontationelle, intéresse nos partenaires. À la suite, nous avons donc offert des formats inédits de concertation pour développer notre coopération dans la région, et nous avons pu inaugurer un format trilatéral que j’avais évoqué en Inde et que nous avions évoqué précédemment avec nos collègues des Émirats : Inde, Émirats, France pour une première réunion de ce type et au niveau ministériel. Un format qui aura vocation à se pencher d’abord sur les questions de défense et de sécurité, notamment dans l’océan Indien, pour développer les coopérations que nous y menons déjà, mais aussi de regarder au-delà quelles opportunités de développement. Nous pouvons pousser en commun dans cette zone ainsi que dans le Pacifique : développement économique, environnement, qui est un thème qui peut no us réunir, et échanges humains.

Et puis nous poursuivrons la recherche de ces nouveaux partenariats cet après-midi même avec ce format, cette réunion en format trilatéral que j’évoquais tout au début de mon propos liminaire, avec une trilatérale Inde-Australie-France de niveau ministériel, après l’entretien que j’aurai avec ma collègue australienne Mme Penny Wong et qui nous permettra, je l’ai dit, d’avancer sur une feuille de route bilatérale après quelques développements qui furent décevants après l’élection d’un nouveau Premier ministre en Australie, et après les perspectives de retour à des relations confiantes et nourries entre nos deux pays. J’ai également eu un entretien long et de qualité avec mon homologue chinois, M. Wang Yi, et je crois que j’en oublie quelques-uns.

Dernier thème, nous avons tenté d’avancer sur ce « nouveau contrat efficace entre Nord et Sud » qu’a appelé de ses voeux le Président de la République dans son discours à l’Assemblée générale, et nous nous sommes concentrés sur des solidarités concrètes à bâtir, à construire, face aux défis globaux. C’était notamment l’un des enjeux du diner qu’a offert le Président de la République mardi à certains de ses homologues ou de leurs représentants, de mémoire Sénégal, Côte d’Ivoire, Argentine, Inde, en présence du président du Conseil européen et j’en oublie quelques-uns, pour parler entre représentants de tous les continents et travailler à la résorption des fractures Nord/Sud que certains voudraient installer et que nous combattons.

Crise alimentaire, environnement, crise sanitaire, atteintes à la démocratie : ils ont parlé de tous ces sujets en visant une bonne coordination entre eux, en vue du G20 de mi-novembre, de façon à ce que ce G20 de Bali marque un progrès décisif et je crois que cette semaine aura été utile à cet égard.

Je reviens sur quelques-uns de ces points, pas tous mais je voudrais vous passer un certain nombre de messages sur les principaux.

Je reviens d’abord sur le chantage à la sécurité alimentaire que fait le Président russe, qui menace les pays les plus vulnérables. Le Président de la République a tenu mercredi matin une réunion avec le Président du Sénégal, président en exercice de l’Union africaine par ailleurs, et les organisations internationales pertinentes, c’est-à-dire l’Union africaine, l’Union européenne, la FAO, le FIDA, le PAM, la CNUCED, l’OMC, le FMI, la Banque mondiale, représentés au plus haut niveau ces trois derniers, ça doit être noté, la Gates Foundation notamment. Réunion qui a permis de dégager, de retenir des orientations sur la question critique de l’engrais pour nombre de pays, notamment les pays en Afrique, la question des céréales dont nous avons beaucoup parlé, sur laquelle nous avons fait un certain nombre de progrès par l’accord du 22 juillet et par des corridors de solidarité mais sans engrais. Il faut savoir que l’année 2023 peut être difficile voire même critique pour un no mbre de pays s’ils n’ont pas pu planter suffisamment et voir des récoltes répondre à leurs besoins.

Nous avons acté lors de cette réunion la création d’un mécanisme d’accès exceptionnel aux engrais avec la centrale d’achat de l’Union africaine, qui s‘appelle ATEX, et nous avons encouragé l’OMC et la FAO à travailler d’ici le G20, donc d’ici mi-novembre, de façon à lever les restrictions aux exportations, vous savez qu’il y en a encore. Et à améliorer la transparence des stocks, donc les informations sur ce que chaque pays possède comme stock. Et pour mémoire, mais vous l’avez sans doute en tête, le Président de la République a, dans son discours à l’Assemblée générale, marqué l’engagement de la France à financer une opération exceptionnelle d’exportation de céréales ukrainiennes à destination de la Somalie.

Voilà pour la crise alimentaire. Sur l’urgence environnementale, la COP27 a été à l’agenda de beaucoup de bilatérales, pratiquement de toutes. Je l’ai évoqué évidemment avec mon collègue égyptien puisque la COP27 se tiendra à Charm el-Cheikh en Égypte, mais aussi avec mon homologue chinois, puisque le rôle de la Chine et sa contribution aux engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre sera essentielle.

La secrétaire d’État Zacharopoulou lancera également aujourd’hui, avec le Gabon, une coalition pour un haut niveau d’ambition sur la préservation des forêts en vue de la COP27. Là aussi, pour mémoire, mais le Président de la République l’a rappelé et je me dois de le rappeler, la France a rappelé, a souligné, son souhait d’accueillir avec le Costa Rica la Conférence des Nations unies pour les océans en 2024 et 2025 : 2024 au Costa Rica, 2025 en France. Notre ambition est d’en faire la COP21 des océans, une ambition sur laquelle la secrétaire d’État est revenue lors de la réunion des leaders à laquelle elle a pu participer et dans laquelle nous avons marqué le doublement de notre engagement financier en soutien aux mécanismes d’alerte précoce face aux risques climatiques.

Sécurité alimentaire, urgence environnementale, questions sanitaires : lors de la 7e conférence de reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, le Président de la République a confirmé la poursuite de notre mobilisation et annoncé que nous dédierons au Fonds mondial 300 millions d’euros supplémentaires sur 3 ans, ce qui fait près de 1,6 milliard d’euros entre 2023 et 2025 au total.

Et enfin, l’appui à la résilience démocratique nous a occupés en cette fin de semaine, avec des avancées sur trois initiatives qui ont été lancées par la France :
Hier le Partenariat Information et Démocratie, sujet important parce que nous défendons la liberté de la presse. J’ai présidé le second sommet ministériel hier avec Christophe Deloire, Secrétaire général de RSF. Face aux infodémies et aux graves menaces qui pèsent sur l’accès à une information vérifiée et de qualité, ce Partenariat grandit : il compte à présent 47 États membres, dont les États-Unis qui viennent de le rejoindre. Et par ailleurs 11 États, dont la France, se sont engagés à soutenir l’initiative pour la confiance dans le journalisme, qui est une certification indépendante et transparente qui promeut les médias indépendants. Nous avons présenté aussi les contours de l’observatoire pour l’information et la démocratie qui sera porté sur les fonts baptismaux du Forum de Paris sur la paix le 11 novembre prochain et ambitionne d’être le futur GIEC de l’information avec des rapports réguliers transmis aux parties prenantes.

Deuxième initiative qui a avancé lors de cette semaine, la troisième édition de l’Appel de Christchurch, mardi, qui a permis des avancées en matière de lutte contre les contenus haineux ou terroristes et la protection de nos concitoyens avec une charte sur les algorithmes qui permettra une meilleure transparence et qui permettra aussi l’ouverture de travaux de recherche complexes à partager, qui sont essentiels pour mieux comprendre l’effet des réseaux sociaux sur nos sociétés, mais aussi le lancement d’un effort particulier pour réguler le darkweb et une initiative en faveur de la protection de l’enfance qui est mise en danger par les pratiques de cyberharcèlement ou la circulation de beaucoup de contenus. Le Président de la République vous a présenté ici-même cette initiative et les progrès qui ont été réalisés à New York cette semaine.

Et puis troisième initiative et troisième avancée je l’espère, le suivi du Forum Génération Égalité. J’y assisterai cet après-midi et ce sera l’occasion de faire le bilan des progrès réalisés depuis le Forum de Paris, forum précédent, mais aussi l’occasion d’annoncer la tenue d’une nouvelle édition à New York en 2023 et le fait que la France rejoigne l’Alliance pour les mouvements féministes. Je précise à cet égard que nous poursuivrons le soutien financier aux organisations féministes, à hauteur de 100 millions d’euros sur 3 ans. Et cette question de l’égalité entre les femmes et les hommes a également été évoquée par notre ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, lors du sommet sur la transformation de l’éducation convoqué par le Secrétaire général.

Un dernier mot puisque nous parlons de ces sujets femmes/hommes et je veux, dans le prolongement de ces rappels, évoquer une situation qui me tient à coeur. J’ai été, nous avons tous et toutes été choqués par la mort de Mahsa Amini aux mains de la police des moeurs iraniennes, et je voudrais devant vous réitérer la condamnation la plus ferme par la France des violences commises contre les manifestantes et manifestants qui protestent contre cette mort, une mort particulièrement choquante d’une jeune femme de 22 ans qui n’avait rien fait d’autre que de mal porter son voile selon la police islamique. Et d’une façon générale, je veux rappeler notre attachement aux droits des femmes, qui sont, comme le disait Mme Merkel, « des hommes comme les autres », et donc les droits de l’Homme comportent aussi les droits des femmes.

Voilà les grandes lignes de nos travaux. Cette présentation n’est pas exhaustive, mais nous nous sommes efforcés de montrer là où nous avons pu progresser cette semaine et je crois que ces quelques rappels montrent tout à la fois la centralité du système des Nations unies, son caractère indispensable : c’est ici que le monde se réunit et pas ailleurs. C’est ici. Cela montre aussi la vitalité du multilatéralisme : il y a eu beaucoup de voix convergentes, je voudrais encore une fois vous le faire remarquer, bien au-delà de l’Ukraine, mais particulièrement en Ukraine. Ce multilatéralisme que certains voudraient présenter comme moribond ou combattre par des systèmes alternatifs, il est bien vivant, nous l’alimentons et c’est celui qui nous permet d’asseoir nos démocraties.

Voilà quelques traits de notre semaine, je suis à votre disposition si vous avez des questions.


Q (CNN) - Thank you. The European Commission has said that the EU is planning to establish a joint position on requests from Russian citizens who are fleeing their country but for now it’s up to individual member states. Germany has indicated that they’re open to accepting these conscientious objectors, Latvia’s indicated that they’re not. What is France’s position ?

R - Thank you. We will discuss about that within the EU circles namely the EU Foreign Ministers’ council. Of course, there is a need to answer to the desire of huge parts of the Russian population to express their views and sometimes to leave Russia and come to the rest of the continent. This is one of the reasons if I may add why France, Germany and other member states decided not to close down completely the possibility to issue visas to Russian citizens. We want to sanction the oligarchs, we want to sanction those who support the war efforts launched by President Putin and these are the sanctions individual and collective. But it is necessary to allow for contacts with Russian citizens so we work on that. Thank you.

Q (AFP) - Bonjour, Madame la Ministre, l’AFP Nicolas Revise à New York. Le Washington Post a révélé cette nuit que les Américains, l’administration américaine, envoie depuis des mois des messages privés à Moscou pour les mettre en garde contre le recours à une arme nucléaire, quelle qu’elle soit. Est-ce que la France a des informations et est-ce qu’elle a des raisons de penser que la menace et l’usage d’une arme nucléaire par la Russie est un scénario envisageable ?

R - Vous avez sans doute vu, Monsieur, que le Président de la République a été interrogé peu après le discours prononcé par le président russe et il s’est exprimé sur ce sujet avec une particulière prudence - prudence que nous eussions aimé que le président Poutine partageât - et a souligné surtout, et c’est encore plus important, que ce que l’on a entendu ici à New York de la part de tous les États membres de la communauté internationale, c’est le besoin de paix. Ce monde a besoin de paix et de stabilité. Il n’a pas besoin d’une rhétorique enflammée et encore moins de sous-entendus menaçants. Vous savez, pour qui cherche la vérité, il suffit en réalité de lire le discours du président Poutine à l’envers. La Russie n’est pas menacée. C’est elle qui menace le reste du monde par tous les moyens. De quoi parle-t-on ? La Russie n’est pas agressée : c’est elle qui a agressé un autre pays souverain, indépendant, son voisin. Donc ce discours doit être lu à l’envers.

Q (AP) - Thank you very much. Edie Lederer from The Associated Press. Madam Minister, I wonder if you have any reaction to the announcement today by the independent commission of enquiry which was authorized by the Human Rights Council to look in to the situation in Ukraine.

It said today that it has found initial evidence that Russia has committed war crimes in Ukraine. And secondly, I wonder if you could tell us France’s reaction and France’s position in response to President Biden’s call for reform of the UN Security Council and laying out certain regions that he would like to see better represented. Thank you.

R - Thank you, if I may, I’ll start by answering your second question which is easier than the first one since France does share this position not from today, not from yesterday, but it is a long-standing French position that we do support the view of enlarging the Security Council to make it even more representative, both with permanent members and non-permanent members. So this is not new, we support that view and it is needed.

Now, coming to the first question, what I have just read is simply a confirmation, if there were any doubts, that crimes have been committed in Ukraine by occupying forces : crimes, atrocities, rapes, deportation, torture.

We’ve been helping the Ukrainian authorities and the international justice to document these evidences because justice must be done through the appropriate channels. So evidence must be documented. Again we will send in the coming days another French team, you know experts, to document and help the Ukrainian authorities to document the evidence. Then it will be up to the international criminal court to decide legally what the qualification of these atrocities is. An enquiry has been open with the support of 43 countries, including my country, on the basis of war crimes and crimes against humanity. Thank you.

Q (Le Monde) - Bonjour, je voulais savoir comment vous interprétez le langage employé par le ministre chinois des Affaires étrangères ainsi que son homologue indien hier au Conseil de sécurité concernant la guerre en Ukraine. Ils ont l’air d’appeler à des négociations de paix, à la cessation des hostilités etc... Est-ce que c’est à prendre au sérieux ? Est-ce que ça ne pose pas un problème aux Européens précisément qui ne veulent pas parler à ce stade, ou aux Américains, ou aux Ukrainiens, qui ne veulent pas parler à ce stade de cessez-le-feu pour permettre à la contre-offensive ukrainienne de se développer, merci.

R - Merci. Je crois au contraire que les évolutions du langage tenu publiquement par ces deux grandes partenaires ont de quoi rassurer non seulement les Européens mais la communauté internationale sur le fait qu’elle est unie pour considérer que les principes fondamentaux de la Charte ont été mis en cause par un seul pays, la Russie, et qu’il est bon, et il était temps, que l’ensemble de la communauté internationale, ces pays compris, rappelle son attachement aux principes fondamentaux de la Charte.

S’il y a une évolution, je dis s’il y a une évolution parce que vous vous souvenez que lors des votes qui ont eu lieu à l’Assemblée générale des Nations unies, la Chine et l’Inde s’étaient abstenues, ne s’étaient pas portées aux côtés de la Russie, donc leur position n’est pas d’être aux côtés de la Russie. Mais s’il y a une évolution vers plus de clarté sur la prise de distance avec la gravité des actes commis par la Russie, c’est une évolution positive que nous saluons et qui nous encourage dans nos efforts de faire l’unité de la communauté internationale pour la recherche de la paix.
Deuxièmement, il me semble que le président Zelensky, lorsqu’il s’est exprimé lui-même devant l’Assemblée générale, a rappelé que l’Ukraine avait toujours cherché le dialogue et la paix. Ce n’est pas lui qui a décidé que son pays agresserait son voisin, c’est l’inverse là aussi, ne vous trompez pas.

Et enfin, troisièmement, nous entretenons un canal de dialogue, dialogue dont vous savez qu’il est difficile, exigeant, mais nécessaire, et nous le faisons avec d’autres, avec les autorités russes à différents niveaux, mais nous ne sommes pas les seuls. Il ne faut pas laisser la Russie sans entendre ce que ses partenaires ont à lui dire. Et à ce titre je regrette, comme tous mes collègues l’ont regretté hier, que le ministre des Affaires étrangères russe n’ait pas jugé bon d’entendre ce que les pays membres du Conseil de sécurité ou invités à s’exprimer avaient à lui dire, ou d’entendre ce que le Secrétaire général des Nations unies demandait à la Russie. Donc c’est un progrès, continuons, l’isolement est là.

Q (RFI) - Bonjour Madame la ministre. Merci pour votre point presse.
Deux questions : sécurité alimentaire, vous venez de dire qu’il subsistait des restrictions aux exportations, est-ce que vous pouvez nous préciser lesquelles parce qu’on a posé la question, c’est ce que vous nous avez dit vous, et est-ce qu’il est prévu de les lever dans l’opération sauvetage des récoltes que la France vient de lancer, on vient d’avoir un communiqué ce matin.

Seconde question, sur la tripartite avec le Rwanda et la RDC, quelles sont les prochaines étapes concrètes de la médiation française, quel est le chemin de désescalade qu’ont tracé les Présidents de la RDC et du Rwanda avec Emmanuel Macron ? Merci.

R - Merci beaucoup. Sur le sujet des restrictions aux exportations, qu’il n’y ait pas de malentendu, nous ne parlons pas de ce que fait la France ou l’Union européenne, mais certains pays au-delà de l’Europe et pour des raisons qui leur sont propres, de besoin d’alimentation de leurs populations vraisemblablement, ont établi un certain nombre de restrictions à l’exportation des produits qui sont chez eux, avec une conséquence immédiate qui a été, au-delà des difficultés physiques d’exportation, vous l’avez vu au début de l’année, la montée des prix. Donc, au sein de l’OMC, nous avons travaillé avec un premier succès mi-juin lors de la réunion ministérielle de l’OMC, permettant qu’il n’y ait pas de telles restrictions pour les achats du programme alimentaire mondial qui sont massifs et qui sont indispensables à beaucoup de pays qui sont en insécurité alimentaire. Il faut aller plus loin.

C’était notamment l’objet de la réunion organisée autour des organisations international les compétentes dont je vous ai brièvement dit un mot tout à l’heure, de façon à ce qu’on puisse progresser et qu’il n’y ait pas de restriction au niveau international aux exportations, et les flux gagneraient à être plus fluides. Il y aurait également un effet sur les prix. J’ai aussi parlé des engrais parce qu’exporter par définition, c’est exporter ce que l’on a, mais il faut renouveler les stocks et qu’il y ait des récoltes, qu’elles soient de qualité, et pour cela qu’il y ait à la fois des plantations et des engrais. Vous savez que 50% de la production alimentaire mondiale nécessite l’utilisation d’engrais. Donc c’était un point important.

Sur votre deuxième question, le communiqué de la présidence de la République donne, je crois, beaucoup de détails et donc donnera les réponses à vos questions. La situation est ce qu’elle est, et ce que vous savez tout particulièrement - le media qui est le vôtre étant représenté dans l’Est de la RDC - avec des groupes armés dont chacun pense qu’il dépend un peu de l’influence de l’autre. Et donc il a été convenu de s’engager sur le chemin de la désescalade par étapes. Je vous renvoie au communiqué de la Présidence de la République, et surtout je souligne combien il est important que nous ayons pu faire que deux présidents qui ne s’étaient pas vus, sauf via la médiation de l’Angola, se revoient, sans précondition, et se mettent d’accord sur un texte commun, dont il reste évidemment à attendre qu’ils appliquent pleinement ce qu’il contient.

Merci beaucoup./.

Dernière modification : 05/04/2023

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