Syrie [en]
« La France réitère son appel à une cessation immédiate des hostilités à l’échelle nationale. La protection des civils doit rester une priorité absolue. Le règlement durable du conflit ne peut être que de nature politique. (...) La France continuera son combat sans relâche contre l’impunité des auteurs de crimes commis en Syrie. Les responsables de tous ces crimes devront répondre de leurs actes. »
Nicolas de Rivière, Ambassadeur de France à l’ONU, le 26 janvier 2022
Contexte
En 2011, la répression par le régime syrien du mouvement pacifique de contestation a abouti au déclenchement du conflit, sa militarisation puis son internationalisation. Le conflit a connu plusieurs grandes périodes.
Jusqu’en avril 2013, le régime subit d’importants reculs face à l’opposition qui s’organise politiquement pour assurer le contrôle de ces larges pans de territoires.
Le régime commence alors à recevoir l’appui militaire de l’Iran et du Hezbollah, ce qui lui permet de regagner lentement du terrain et à un coût élevé. Dans le même temps, des organisations terroristes (Daech et la branche syrienne d’Al-Qaeda, Jabhat al Nosra) s’implantent sur le théâtre syrien à la faveur de la crise.
En 2015, l’opposition mène une contre-offensive de grande ampleur (prise d’Idlib en mars 2015). Le régime est alors dans une situation de grande fragilité.
L’intervention militaire de son allié russe en septembre 2015 renverse alors de façon massive et durable le rapport de force au profit du régime, en lui apportant un appui aérien décisif. Cela débouche notamment sur la chute d’Alep en décembre 2016 et ouvre une période de reconquête pour le régime, y compris contre des bastions historiques de l’opposition comme la Ghouta orientale (printemps 2018) ou la région de Deraa (été 2018).
L’évolution du conflit est également marquée par le recul de Daech en 2017 et 2018. Le groupe terroriste perd le contrôle de la ville de Raqqa en octobre 2017 au profit des Forces démocratiques syriennes, appuyées par la Coalition internationale contre Daech.
Après la chute du dernier réduit territorial de Daech, à Baghouz au début de l’année 2019, les Forces démocratiques syriennes contrôlent la majorité du territoire syrien situé à l’Est de l’Euphrate. La Turquie a cependant lancé plusieurs opérations dans le Nord de la Syrie avec l’aide de supplétifs syriens (opérations Bouclier de l’Euphrate en 2017, Rameau d’olivier en 2018 et Source de paix en 2019).
Aujourd’hui coexistent en Syrie trois grandes zones, sans évolution majeure des lignes de séparation depuis fin 2019 :
• L’ouest et au centre, sous le contrôle relatif du régime et de ses alliés (2/3 de la population et la majorité des grandes villes) ;
• Au nord-est, un territoire partagé en plusieurs zones d’influence (Forces démocratiques syriennes, régime appuyé par la Russie et l’Iran, Turquie et forces supplétives syriennes) ;
• Au nord-ouest, une zone où se sont repliés de nombreux groupes armés d’opposition et dont certaines parties (régions d’Afrin et d’Azaz) sont contrôlées indirectement par la Turquie, qui y a mené des opérations militaires (opération Bouclier de l’Euphrate dans la région d’Azaz à l’été 2016, opération Rameau d’olivier de janvier 2018, opération Source de Paix en octobre 2019).
Depuis l’offensive militaire déclenchée par le régime syrien dans la région d’Idlib (nord-ouest) mi-décembre 2019, qui a provoqué l’exode de près de 700 000 civils en deux mois, la situation sur le terrain a peu évolué bien que les hostilités se poursuivent quotidiennement dans le Nord-Ouest et le Nord-Est du pays. La situation dans les territoires reconquis par la force par les forces pro-régime, notamment le Sud-Ouest, reste précaire et marquée par une forte instabilité.
Mobilisation des Nations unies
Situation politique
Les Nations unies se sont vu confier la responsabilité d’une médiation en vue de parvenir à un règlement politique de la crise syrienne. Le Secrétaire général des Nations unies a nommé Geir Pedersen en janvier 2019 pour prendre la relève de Staffan de Mistura en tant qu’Envoyé spécial pour la mener à bien.
Cette médiation onusienne vise à mettre en œuvre la résolution 2254, qui porte notamment sur l’établissement d’un cessez-le-feu à l’échelle nationale en Syrie, l’adoption d’une nouvelle constitution et l’adoption de mesures de confiance notamment la libération de détenus. Plusieurs sessions de discussions se sont déroulées entre l’opposition et le régime à Genève sous l’égide des Nations unies mais n’ont pas permis un accord sur un règlement politique en raison de l’obstruction systématique du régime Assad.
Depuis le début du conflit en 2011, de très nombreux projets de résolution proposant des actions concrètes sur la situation politique et humanitaire ont été présentés au Conseil de sécurité. Sur ces projets, 16 résolutions n’ont pu être adoptées du fait d’un veto russe, dont dix avec un double veto russo-chinois. La France a porté plusieurs de ces résolutions, seule ou avec ses partenaires.
Pour la France, la guerre n’est pas finie. Il ne saurait y avoir de retour durable à la stabilité en Syrie sans solution politique conforme à la résolution 2254 qui réponde aux aspirations légitimes de tous les Syriens et leur permette de vivre en paix dans leur pays. L’objectif de la France est de créer les conditions d’un processus politique crédible et inclusif. Ainsi, par ses efforts auprès de l’ensemble des partenaires qui agissent en Syrie, elle encourage à faciliter une sortie de crise. Elle apporte également un soutien constant aux efforts de l’Envoyé spécial du Secrétaire général en vue d’une solution politique durable. Tant qu’un processus politique crédible conforme à la résolution 2254 n’est pas fermement engagé, la France -tout comme l’Union européenne et ses Etats membres- ne financera pas la reconstruction de la Syrie, ne normalisera pas ses relations avec le régime syrien et n’envisagera pas de levée de sanctions.
Situation humanitaire
Après plus de 10 ans de conflit, la situation humanitaire en Syrie est extrêmement dégradée. Selon les Nations unies, 14 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire. 90% de la population syrienne vit sous le seuil de pauvreté. 12,8 millions de personnes, soit environ 60% de la population, sont en situation d’insécurité alimentaire. La crise syrienne est la crise ayant entraîné le plus de déplacements au monde, avec 6,9 millions de déplacés internes et 5,6 millions de Syriens enregistrés en tant que réfugiés. En l’absence de cessez-le-feu national, la poursuite des violences aggrave cette situation et menace de déplacer de nouveau les populations. Les conditions pour un retour volontaire, sûr et digne des personnes déplacées et réfugiées ne sont à ce jour pas réunies.
Le plan de réponse humanitaire pour la Syrie pour 2022 et 2023 s’élève à 4,2 milliards $ et vise à répondre aux besoins de 12 millions de personnes.
Avec l’adoption de la résolution 2165 en 2014, puis ses renouvellements successifs, le Conseil de sécurité a mis en place un mécanisme transfrontalier permettant aux agences des Nations unies et à leurs partenaires d’utiliser les point de passage de Bab al-Salam, Bab al-Hawa (tous deux depuis la Turquie), Al-Ramtha (depuis la Jordanie) et Al Yarubiyah (depuis l’Irak), pour acheminer l’aide humanitaire, sans l’accord de Damas, y compris les fournitures médicales et chirurgicales, aux personnes dans le besoin en Syrie. Cependant, le mécanisme s’est vu fortement réduit en 2020 et 2021, avec désormais un seul point de passage encore ouvert, Bab al-Hawa (résolutions 2504, 2533 et 2585), à la suite des vetos de la Russie et de la Chine.
La hausse des besoins humanitaires et médicaux, dans le contexte de pandémie de COVID-19, rend plus que jamais indispensable la garantie d’un accès humanitaire sûr et sans entraves à l’ensemble des personnes dans le besoin. Le mécanisme humanitaire transfrontalier sera nécessaire aussi longtemps que l’aide ne parviendra pas à toutes les personnes dans le besoin sur l’ensemble du territoire.
La France est également engagée pour venir en aide à la population syrienne en Syrie et dans les pays d’accueil. Lors de la conférence de Bruxelles V en soutien à l’avenir de la Syrie et de sa région, qui s’est tenue les 29 et 30 mars 2021, la France a annoncé 560 millions d’euros pour la période 2021-2022, répartis comme suit : environ 425 millions d’euros de prêts et 137 millions d’euros de dons. Avec 25 milliards d’euros mobilisés depuis 2011, l’Union européenne et ses Etats membres sont les principaux bailleurs de la réponse humanitaire en Syrie et dans la région.
Dossier chimique
Le conflit syrien est également marqué par l’emploi dès 2013 et à de nombreuses reprises d’armes chimiques. La répétition de ces attaques constitue une remise en cause grave de l’interdiction de recourir aux armes chimiques et de son régime de non-prolifération. Différents mécanismes internationaux successifs ont permis de mettre en lumière la réalité de l’emploi de ces armes interdites et d’identifier des responsables.
Au mois d’août 2013, le quartier de la Ghouta (dans la banlieue de Damas) a été la cible d’attaques chimiques de grande ampleur, tuant de nombreux civils. Le rapport rendu en septembre 2013 par la mission d’enquête des Nations unies sur l’emploi d’armes chimiques a confirmé l’usage à grande échelle d’armes chimiques. Les détails fournis dans le rapport et l’état connu du programme chimique syrien ne laissent aucun doute sur le fait que le régime syrien en est l’auteur.
A la suite de l’attaque de la Ghouta, le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité la résolution 2118, qui met en place un mécanisme de démantèlement et de surveillance du programme chimique syrien. Une partie des stocks chimiques déclarés par Damas a pu être évacuée hors du territoire pour destruction. Toutefois, des lacunes persistent s’agissant de la déclaration initiale sur les stocks chimiques du régime qui refuse de répondre aux questions des enquêteurs internationaux.
Depuis 2014, les allégations d’attaques chimiques en Syrie, notamment au chlore et au gaz moutarde, se sont multipliées, comme à Khan Cheikhoun, à Ltamenah (2017), ou encore à Douma (2018).
En réponse aux allégations persistantes d’attaques à l’arme chimique en Syrie, l’ Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) a mis en place en avril 2014 une Mission d’établissement des faits (FFM) chargée de déterminer les cas d’utilisation d’armes chimiques en Syrie. Cette mission a notamment établi avec certitude que du gaz sarin avait été utilisé lors de l’attaque de Khan Cheikhoun le 4 avril 2017.
En 2015, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2209 condamnant l’usage de chlore en Syrie et a mis en place un mécanisme d’enquête conjoint à l’ONU et à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) (résolution 2235). Ce mécanisme conjoint d’enquête et d’attribution des responsabilités pour l’emploi d’armes chimiques en Syrie (JIM) était chargé d’identifier les responsables de ces attaques chimiques. Il a rendu deux rapports en août et octobre 2016, concluant à la responsabilité du régime syrien et de Daech dans quatre cas d’emploi. Le mandat du JIM a cependant expiré en novembre 2017, après que la Russie en ait bloqué à plusieurs reprises le renouvellement.
L’utilisation des armes chimiques par le régime continue d’être documentée et de faire également l’objet d’une instruction spécifique au sein de l’OIAC. Le 8 avril 2020, l’Equipe d’Investigation et d’Identification (IIT) de l’OIAC a ainsi rendu les conclusions de son rapport concernant l’emploi d’armes chimiques à Ltamenah les 24, 25 et 30 mars 2017. Ce rapport établit avec certitude que les auteurs de ces attaques appartenaient à des unités de l’armée de l’air du régime syrien. Un second rapport, publié le 12 avril 2021, conclu à nouveau de manière irréfutable à l’utilisation d’armes chimiques par le régime syrien lors d’une attaque dans la localité de Saraqib en Syrie le 4 février 2018.
Afin de lutter contre l’impunité de ceux qui recourent aux armes chimiques ou les développent, la France a initié en janvier 2018, la création du Partenariat international contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques (PICIAC). Ce Partenariat regroupe aujourd’hui 40 Etats et l’Union européenne et constitue une plateforme de coordination indispensable.
Lutte contre l’impunité
Depuis 2011, les droits de l’Homme et le droit international humanitaire continuent d’être systématiquement bafoués, en particulier par le régime syrien. Actes de torture, détentions arbitraires, disparitions forcées, violences sexuelles et fondées sur le genre et graves violations visant les enfants, attaques contre des hôpitaux, le régime de Bachar Al-Assad s’est rendu coupable de violations répétées des droits les plus fondamentaux, notamment susceptibles de constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. C’est ce qu’atteste le rapport « César », du nom d’un ancien photographe militaire syrien ayant collecté 55 000 photos, portant sur 11 000 détenus torturés et décédés entre 2011 et 2013 dans plusieurs centres de détention du régime syrien.
En août 2011, le Conseil des droits de l’Homme a adopté une résolution créant la Commission d’Enquête internationale et indépendante sur la République Arabe Syrienne, dont le mandat est renouvelé chaque année. Cette commission a pour mandat de documenter les crimes commis en Syrie quels que soient leurs auteurs. Du fait du refus d’accès opposé par le régime syrien, la Commission doit mener ses enquêtes et entretiens avec les victimes en dehors de Syrie, notamment depuis les pays limitrophes. Ses rapports périodiques couvrent l’ensemble des violations et crimes commis en Syrie. Ils font état de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre en Syrie.
La création en 2016 par l’Assemblée générale des Nations unies du Mécanisme International, Impartial et Indépendant sur la Syrie (IIIM) a permis de franchir une étape déterminante dans l’identification des responsables de ces crimes, notamment grâce à la collecte et préservation d’éléments de preuve et au partage de données et d’expertise, notamment avec les juridictions nationales.
D’autres organes des Nations unies, comme l’Assemblée générale des Nations unies et le Conseil des droits de l’Homme, ont également adopté des résolutions dénonçant les violations des droits de l’Homme dont se rend notamment coupable le régime de Damas.
La France est également engagée pour que les auteurs de ces crimes rendent des comptes devant la justice. En septembre 2015, le ministre des Affaires étrangères a saisi le procureur de la République, permettant au parquet de Paris d’ouvrir une enquête préliminaire pour « crimes contre l’humanité » contre le régime syrien sur la base du rapport César. Plusieurs enquêtes ont depuis été ouvertes en France, notamment en mars 2021 pour les attaques chimiques de la Ghouta en 2013.
Par ailleurs les sanctions ciblées de l’Union européenne contre les auteurs de la répression en Syrie constituent un des instruments essentiels de lutte contre les violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire.
Lutte contre Daech : l’action de la coalition internationale
Depuis le 24 septembre 2014, une coalition de 75 États et 5 organisations internationales, à laquelle participe la France, agit contre le projet terroriste de Daech en Irak et en Syrie. La Coalition a ainsi apporté un appui militaire décisif aux Forces démocratiques syriennes pour mener à bien la reconquête du Nord-Est syrien et mettre fin à la mainmise de Daech sur un territoire de plus de 110 000 kilomètres carré. Outre ses moyens militaires, la Coalition contribue aussi depuis sa création à la stabilisation des territoires libérés. Elle poursuit à présent son action contre Daech, dont les cellules clandestines restent actives en Syrie et se renforcent comme en a témoigné l’attaque menée le 20 janvier 2022 par Daech contre le centre de détention de Hassakeh, dans le Nord-Est syrien Seule une solution politique à la crise syrienne permettra d’éradiquer le terrorisme dans la région.