Assurer la stabilité et le développement des pays de la région des Grands lacs [en]
Grands lacs - Intervention de M. François Delattre, représentant permanent de la France auprès des Nations unies - Conseil de sécurité – 10 avril 2018
Monsieur le Président,
Je tiens tout d’abord à remercier chaleureusement M. Djinnit pour sa présentation très éclairante mais aussi pour son travail remarquable et son engagement sans faille en faveur de la paix dans la région des Grands lacs. Je voudrais également remercier l’ambassadeur Bale, Représentant permanent de la République du Congo, en sa double qualité de représentant de la présidence du mécanisme de suivi de l’accord-cadre et de la présidence de la CIRGL.
Cinq ans après la signature de l’accord-cadre, il était important que le Conseil de sécurité puisse faire le point sur sa mise en œuvre et réfléchir aux moyens d’avancer dans son application. La dimension régionale de la crise des Grands lacs ne doit en effet pas être perdue de vue.
Notre souhait le plus cher, en tant que partenaire proche des pays de la région et membre permanent du Conseil de sécurité, est de voir ces pays consolider leur trajectoire sur la voie d’une paix et d’une stabilité durables, qui leur permette enfin de valoriser leurs ressources naturelles pour assurer le bien-être de leur population et de se concentrer sur leur développement.
1/ Cette trajectoire passe par un renforcement de la stabilité politique, de la légitimité démocratique des institutions et de la lutte contre l’impunité. Dans ce cadre, la situation politique et sécuritaire en RDC revêt une importance particulière. Les élections prévues le 23 décembre 2018 doivent permettre, pour la première fois, une alternance pacifique du pouvoir. Sans élections crédibles et acceptées par tous, c’est la stabilité du pays et de toute la région qui est en jeu. Pour y parvenir, il est essentiel d’assurer le respect du calendrier électoral et la confiance dans le processus d’organisation des élections, par son ouverture et sa transparence. Il faut également que soit mis en place un climat apaisé, dans lequel tous les candidats puissent se déclarer et faire campagne librement, sans crainte de représailles. Le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales est crucial pour la tenue d’élections libres, crédibles, transparentes et apaisées. Dans ce contexte, nous saluons l’engagement des pays de la région dans le suivi et l’accompagnement des Congolais sur la voie d’une organisation ouverte, libre et pacifique des élections.
2/ Cette trajectoire, Monsieur le Président, passe également par une meilleure intégration régionale, pour garantir la bonne coopération entre les Etats de la région. C’est en créant cette interdépendance, grâce aux avantages comparatifs de chacun et au bénéfice de tous, que la région connaîtra un véritable décollage économique et de développement. C’est un objectif privilégié par l’Union africaine et par la France, qui a adapté ses politiques de soutien et ses instruments afin d’inscrire son action dans une perspective régionale.
Ainsi, l’institut français de Goma, « la halle des volcans », inauguré il y a six mois, en conjuguant francophonie et plurilinguisme, formation et nouvelles technologies, souhaite s’adresser à la jeunesse de toute la région. En effet, cet outil n’est pas seulement destiné à la jeunesse congolaise, mais au-delà des frontières si proches, à celle d’Ouganda, du Rwanda, du Burundi, pour créer des projets et des aspirations communes visant un partenariat régional effectif.
3/ Pour y parvenir, la mise en œuvre pleine et entière de l’accord-cadre d’Addis-Abeba est essentielle. La France se réjouit de l’engagement renouvelé des pays de la région en ce sens. La réunion du mécanisme de suivi le 19 octobre dernier a établi des objectifs ambitieux, concernant notamment le rapatriement des combattants désarmés. La France encourage les pays de la région à tout faire pour que ces objectifs soient mis en œuvre pleinement.
Cet engagement est d’autant plus essentiel que les forces négatives continuent d’agir dans la région. Le règlement durable de ce problème requiert une action décisive dans trois domaines, et les organisations régionales, la CIRGL comme la SADC, ont un rôle clé à jouer :
1. L’engagement militaire contre les groupes armés d’abord. C’est notamment le rôle de la Brigade d’intervention de la MONUSCO fournie par la SADC. Le mandat renouvelé de la MONUSCO doit pouvoir lui permettre de retrouver sa capacité de mobilité pour mener des actions offensives décisives, comme elle l’a fait pour le M23.
2. L’action politique ensuite, pour démobiliser, rapatrier et réintégrer ces combattants dans leurs pays d’origine. Je pense notamment aux FDLR et aux ex-combattants du M23, mais aussi à ceux du SPLM/iO qui sont en RDC depuis bientôt deux ans. Des progrès ont été faits en ce qui concerne le SPLM/iO et des engagements pris concernant les autres groupes. Je m’en réjouis.
3. La lutte contre les trafics illégaux de ressources naturelles enfin. Ces trafics alimentent ces groupes armés, contribuent à leur survie et nourrissent une économie de guerre et de prédation. Tant que ces trafics subsisteront, aucune stabilisation durable ne pourra être envisagée. Une action forte et concertée des pays de la région est nécessaire, ainsi qu’un engagement continu des partenaires internationaux pour la transparence des industries extractives et une meilleure traçabilité des minerais. Dans ce contexte, la détermination de la CIRGL et la concertation qu’elle conduit avec le groupe d’experts des Nations unies, illustrée chaque année par la réunion conjointe à Paris du Forum de l’OCDE sur les chaînes d’approvisionnement en minerais responsables, mérite d’être saluée.
Monsieur le Président,
Cinq ans après la signature de l’accord-cadre, des progrès visibles et notables dans sa mise en œuvre seraient un signe extrêmement positif de l’engagement de tous les pays signataires pour la stabilité et le développement de la région des Grands lacs.
Soyez assurés que la France continuera à apporter tout son soutien aux pays de la région dans cette entreprise.
Je vous remercie.