L’accord de paix doit être le début d’une nouvelle ère en Colombie [en]

Colombie
Intervention de M. François Delattre, représentant permanent de la France auprès des Nations unies
Conseil de sécurité - 19 avril 2018

Monsieur le président,

Nous sommes tous en état de choc après le décès de notre collègue et ami Bernard Tanoh-Boutchoué. Au nom de la France, comme à titre personnel, je voudrais renouveler à sa famille, à ses proches, à tous les membres de la Mission de Côte d’Ivoire, nos condoléances les plus attristées et notre très profonde sympathie. Les Nations Unies ont perdu un grand professionnel, la Côte d’Ivoire un magnifique représentant et la France un ami - un ami dont l’inépuisable gentillesse continuera de nous inspirer.

Monsieur le président,

Je souhaiterais remercier le représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies, M. Jean Arnault, pour sa présentation très éclairante mais aussi pour son engagement et son travail exemplaires. Je souhaite également remercier le vice-président de la République de Colombie et la Ministre colombienne des Affaires étrangères pour leur présence parmi nous aujourd’hui et pour leurs efforts sans relâche dans la négociation et la mise en œuvre de l’accord de paix conclu avec les FARC.

Monsieur le président,

Au nom de la France, je veux rendre ici un nouvel hommage au courage politique des autorités colombiennes qui ont pris l’initiative d’un processus de paix historique avec les FARC. L’engagement de la Colombie au service de la paix est une source d’inspiration pour nous tous. Les Nations Unies en général, et le Conseil de sécurité en particulier, ont joué pleinement leur rôle en apportant le soutien nécessaire au désarmement et à la transition politique de ce groupe armé. Ce soutien se poursuit depuis septembre dernier en assurant le suivi de la réincorporation des anciens combattants, une étape cruciale en vue de la mise en œuvre durable de l’accord de paix. Au vu du mandat confié à la seconde mission des Nations Unies en Colombie, je souhaiterais insister aujourd’hui sur trois points.

1/ Avant toute chose, la France félicite les autorités colombiennes pour l’organisation et le bon déroulement des élections législatives du 11 mars dernier, auxquelles a participé la Force alternative révolutionnaire commune (FARC), le nouveau parti politique issu du processus de paix. Les institutions colombiennes et l’accord de paix sortent renforcés de cet exercice démocratique à l’issue duquel des anciens combattants vont rejoindre le Sénat et la Chambre des représentants. L’ouverture au public de la Justice spéciale de la paix représente également une étape significative en vue de la réintégration politique des anciens combattants.
Nous encourageons le gouvernement actuel et plus largement toutes les tendances politiques à consolider les acquis et à progresser dans le sens d’une mise en œuvre pleine et entière de l’accord de paix conclu avec les FARC. Une attention particulière devra être accordée à la question de l’amnistie des détenus telle que prévue par l’accord.

2/ Mon deuxième point porte sur la sécurité des femmes et des hommes engagés en faveur de la paix dans les zones affectées par le conflit. Nous saluons les mesures prises par le gouvernement colombien en vue de mettre un terme au degré élevé de violence dans ces zones, en particulier aux assassinats de leaders de la société civile, de défenseurs des droits de l’Homme et de personnes engagées dans les programmes de substitution des cultures de coca.

Malgré l’engagement des autorités colombiennes, la situation reste préoccupante. Les dividendes de la paix tardent à être perçus par les populations locales. Nous encourageons donc à la poursuite des efforts engagés en déployant notamment les services de l’État, qu’il s’agisse des forces de sécurité ou des institutions civiles, dans ces zones. Par ailleurs, la lutte contre l’impunité à l’égard des crimes commis dans le cadre du conflit, y compris les exécutions extrajudiciaires, est centrale, qu’elle vise les auteurs ou les commanditaires des violences.

3/ Enfin, Monsieur le Président, je souhaite de nouveau attirer l’attention sur un autre point central pour la réintégration et l’avenir du processus de paix : l’accès à la terre et à des sources de revenus. En effet, une fois que sera résolue la question de l’accès à la terre, dont la restitution des terres spoliées au cours du conflit fait l’objet de procédures judiciaires, ce sont les projets économiques qui donneront aux anciens combattants la perspective d’un avenir au sein de la communauté nationale colombienne.
Cette réintégration économique est la clé du succès durable du processus de paix. Elle bénéficie et continuera de bénéficier d’un large soutien de la communauté internationale, y compris de la France et de l’Union européenne via différents instruments financiers. La pacification des territoires auparavant meurtris par un demi-siècle de conflit en dépend.

Monsieur le Président,

La France, qui a appuyé dès le premier jour les efforts de paix du Président Santos, souhaite que l’accord de paix entre le gouvernement colombien et les FARC entre dans l’Histoire comme la fin d’un conflit et le début d’une nouvelle ère en Colombie. Une ère au cours de laquelle les anciens combattants auront toute leur place dans la société colombienne, et au cours de laquelle d’autres groupes prendront exemple sur les FARC. Nous espérons à ce titre que le gouvernement colombien et l’armée de libération nationale (l’ELN) parviendront à un nouveau cessez-le-feu dans les meilleurs délais et que les négociations pourront parachever une paix historique en Colombie, qui sera aussi un formidable message d’espoir au monde.

Je vous remercie.

Dernière modification : 09/11/2018

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