« Le financement du développement à l’heure du COVID-19 et au-delà » [en]

« Le financement du développement à l’heure du COVID-19 et au-delà »
Message de M. Emmanuel Macron, Président de la République française
Jeudi 28 mai 2020

Monsieur le Secrétaire général,

Mesdames, Messieurs les Premier ministres,

Mesdames, Messieurs,

Vous l’avez dit il y a quelques semaines, Monsieur le Secrétaire général, cher Antonio, atteindre les objectifs du développement durable n’a jamais été aussi difficile et aussi impératif qu’aujourd’hui. C’est ce que démontre la crise du COVID-19.

Difficile parce que la crise, au-delà de ses conséquences sanitaires, approfondit considérablement les défis auxquels nous étions déjà confrontés : l’accroissement des inégalités entre nos pays, dans nos pays, y compris les inégalités de genre, l’augmentation de la pauvreté, la mise en danger de la sécurité alimentaire, le développement des fragilités, des instabilités. Comme toujours, cette crise a montré que les plus vulnérables payent une fois encore le plus lourd tribut.

Difficile aussi parce que la crise advient dans une période, il faut bien le dire, de remise en cause profonde du multilatéralisme et de la coopération internationale. Or, nous le constatons chaque jour, nous n’avons jamais eu autant besoin d’action collective et de coopération.

Aucun d’entre nous ne pourra s’en sortir en laissant les autres de côté, en ayant une réponse isolée, qu’il s’agisse d’ailleurs des sujets sanitaires, économiques, climatiques ou sécuritaires. Le prix est payé par tous, la coopération s’impose.

Dans ce contexte, la France voit trois priorités. Trois priorités qui répondent au fond à trois urgences pour notre planète. Et ces trois priorités ont un même objectif : lutter contre les inégalités du monde contemporain. C’est ce que nous avions placé au cœur de notre G7, c’est ce qui doit continuer de mener notre action collective.

Cette première priorité, c’est évidemment la santé pour tous. C’est l’objectif que nous avons collectivement rappelé lors de l’assemblée mondiale de la santé qui s’est tenue il y a quelques jours. C’est celui que nous portons dans le cadre de l’initiative ACT-A en réponse à la pandémie, qu’il s’agisse de notre réponse en matière de tests, de traitements, de vaccin et de soutien aux systèmes de santé les plus fragiles. C’est essentiel pour venir à bout de la pandémie et pour éviter tout recul sur les progrès effectués depuis des décennies contre d’autres épidémies, pour la santé maternelle et infantile, pour la réduction des inégalités. Il y a quelques semaines, 7,5 milliards d’euros ont déjà été mobilisés pour cette initiative qui réunit de manière inédite acteurs publics et privés de la santé mondiale. Nous devons encore faire plus et l’amplifier.

Deuxièmement, c’est l’appui aux pays les plus fragiles face à la pandémie, en particulier en Afrique. L’Afrique va en effet entrer en récession pour la première fois depuis 25 ans. Entrer en récession alors même qu’il lui faut, compte tenu de sa dynamique démographique et de la situation où elle est d’ores et déjà aujourd’hui, une croissance à deux chiffres. Si nous ne sommes pas, collectivement, à la hauteur du moment, de la solidarité que nous devons à nos partenaires africains, très clairement, l’ensemble de l’agenda 2030 pour le développement sera remis en cause. Très clairement, c’est l’avenir tout entier de l’Afrique qui sera compromis. Ce que je suis en train de dire est un test pour notre crédibilité collective, notre propre avenir. Un test qui se joue maintenant. C’est l’objet de l’initiative que nous avons prise, avec dix-sept de mes homologues africains et européens pour une réponse en quatre volets, sanitaire, économique, scientifique, humanitaire. Au cœur de cette action, il y a l’objectif d’annuler les dettes et une première étape qui a été réussie lors du G20 des Ministres des Finances, avec ce moratoire qui a été décidé. Il faut maintenant le mettre en œuvre, avec tous les pays concernés, avec l’ensemble des créanciers publics et, je le souhaite, privés, et il nous faut pouvoir aller plus lui loin en mobilisant pleinement le FMI, les droits de tirage spéciaux et en allant jusqu’à des restructurations de dettes.

Nous devons aussi appuyer massivement les entreprises africaines, les petites et moyennes entreprises qui ont prospéré depuis vingt ans, qui créent de l’emploi, pour les jeunes et les femmes en particulier, qui apportent des services essentiels aux populations. Au cœur de cette initiative il y a aussi la réponse humanitaire et alimentaire qui est, pour les semaines qui viennent, absolument décisive. Je ne vais pas ici détailler cet agenda pour l’Afrique mais, comme je l’ai dit à la présidence américaine du G7, l’Afrique doit être au cœur de notre agenda dans les prochaines semaines, qu’il s’agisse du G7 comme du G20, car la mobilisation de plusieurs puissances internationales, en particulier la Chine, est essentiel en la matière.

La troisième priorité, c’est le climat et la biodiversité. La crise que nous sommes en train de traverser ne doit pas nous faire oublier cette priorité, au contraire. Elle a révélé, de manière criante, ce que nous savions déjà, les liens intrinsèques entre les enjeux sanitaires, environnementaux et de développement. C’est pourquoi cet enjeu doit être au cœur, non seulement des plans de relance nationaux, régionaux, que nous sommes en train d’adopter, mais au cœur de la réponse à l’échelle mondiale que nous devons apporter à la crise. Les échéances prévues ont été reportées mais elles n’en seront que plus importantes : le One planet summit de Marseille en janvier prochain avec l’Union internationale pour la conservation de la nature, la COP15 sous présidence chinoise, la COP26 sous présidence britannique scanderont les prochains mois et l’année 2021. Nous devons être collectivement au rendez-vous et pour cela nous devons dès maintenant nous en donner les moyens, en organisant collectivement le rôle décisif de nos banques de développement. A cet effet, la France organisera le 12 novembre prochain, dans le cadre du Forum de Paris sur la paix, un Sommet de toutes les banques publiques de développement, avec un double objectif : bâtir une nouvelle et puissante coalition réunissant l’ensemble des 450 banques publiques de développement pour favoriser la coopération entre elles ; et rassembler autour d’elles la communauté financière, publique et privée, pour nous donner réellement les moyens d’une action collective contre le COVID-19 et en faveur du climat et des ODD.

Je n’oublie évidemment pas dans cet agenda de lutte contre les inégalités les fameuses inégalités de destin, entre les femmes et les hommes, et en matière d’éducation. Ces inégalités sont inséparables des priorités que je viens d’évoquer. Les enfants de cette crise ne peuvent pas être les enfants d’une génération sacrifiée, et nous devons poursuivre nos objectifs en matière d’éducation. Et l’égalité entre les femmes et les hommes doit être au cœur de notre réponse. C’est pourquoi je veux dire ici très clairement que nous tiendrons le Forum génération égalité à l’été 2021 avec une action toute particulière pour l’éducation des jeunes filles et le rôle des femmes dans le développement.

Voilà les quelques priorités, les quelques rappels que je voulais faire. Pas simplement des rappels, au fond, des réengagements. Nous avons en effet besoin de travailler autour de ces priorités, et en effet de redonner à cet agenda multilatéral, autour des Nations unies, encore plus de force et de vigueur, en nous réengageant sur le plan financier, ce que nous avons fait ces dernières semaines, en nous réengageant aussi en inventant d’autres formes de coopération. Entre nous, chefs d’Etats et de gouvernements, entre nos actions collectives, entre nos sociétés civiles aussi, qu’il s’agisse des organisations non-gouvernementales, de nos entreprises, des investisseurs. Nous devons continuer à innover, encore et encore.

Pour cela les groupes de travail qui seront lancés au cours de cette session seront essentiels. C’est une volonté d’action, de réinvention. La période l’exige et nous serons là. Je vous remercie.

Dernière modification : 28/12/2020

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