Syrie : Les civils sont la cible délibérée du régime
Syrie - Intervention de M. François Delattre, représentant permanent de la France auprès des Nations unies - Réunion du Conseil de sécurité en format Arria – 12 mars 2018
Je voudrais commencer par remercier la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et la Pologne pour avoir co-organisé avec nous cet événement important. Je voudrais aussi rendre hommage aux deux personnes que nous venons d’entendre depuis la Ghouta orientale, Nivin Hotari et Siraj Mohamad. Leurs témoignages sont à la fois puissants et importants. Je voudrais enfin remercier les trois intervenants à notre panel dont là aussi les messages et les propositions ont été entendus « loud and clear » par l’ensemble des parties prenantes.
Ce qui ressort de ces témoignages et des propos des panélistes, c’est d’abord et avant tout un appel à l’action.
Je voudrais aussi saluer l’action de l’ensemble des acteurs humanitaires qui essaient tous les jours d’apporter une assistance humanitaire aux populations civiles dans la Ghouta, souvent dans des conditions difficiles et au péril de leur vie. Ils ont besoin de notre plein et entier soutien.
Je serai très bref, comme m’y a invité avec beaucoup de diplomatie mon collègue et ami britannique, et ne répèterai pas tout ce qui a été dit ce matin.
Les civils ne sont pas des victimes « collatérales » des opérations militaires dans la Ghouta orientale, ils sont bien la cible délibérée, méthodique d’une folie meurtrière qui charrie son cortège de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité de la part d’un régime qui se livre à ce que l’on peut qualifier de terrorisme d’Etat. Ce que nous vivons dans cette descente vers l’abime qu’est la tragédie syrienne c’est la négation barbare de toutes les valeurs auxquelles nous croyons et qui forment le tissu, la trame des Nations unies et de notre Charte. Et donc répondre à cette barbarie en marche au cœur du 21ème siècle, ce n’est pas seulement une obligation morale mais c’est aussi notre responsabilité politique, notamment celle de chacun des membres du Conseil de sécurité.
A partir de là, trois brèves remarques pour dire que :
premièrement, ce qui nous réunit aujourd’hui c’est la nécessité et la volonté unanime de mettre en œuvre la résolution 2401 du Conseil de sécurité ; c’est ce qui nous rassemble, c’est l’objet même de cette Arria. Force est de constater qu’aujourd’hui cette résolution, notre résolution adoptée à l’unanimité est ouvertement et quotidiennement violée.
deuxièmement, nous avons l’obligation de retourner chaque pierre afin de mettre un terme aux massacres dans la Ghouta orientale. La France a multiplié les initiatives diplomatiques à cet effet : le Président Macron a mené de nombreux entretiens, à commencer par ceux qu’il a eus avec le Président Poutine, le Président Rohani, le Président Erdogan, le Secrétaire général des Nations unies et bien d’autres. Notre Ministre des Affaires étrangères s’est notamment rendu en Iran et à Moscou, pour engager les autorités de ces pays dans le sens de la mise en œuvre de la résolution et évoquer avec eux des propositions très concrètes à cet effet. Nous n’avons pas le droit de baisser les bras. Comme cela a été dit ce matin, il n’est jamais trop tard pour sauver des vies et il n’y a pas une minute à perdre.
Troisième et dernier élément, le Secrétaire général a contribué à établir : la responsabilité de la Russie, qui a voté cette résolution sans la faire appliquer ; l’importance de soutenir les efforts de l’ONU en faveur d’accords entre les groupes armés et la Russie ; l’urgence bien sûr, enfin, d’obtenir un accès humanitaire immédiatement et notre engagement collectif à agir urgemment pour faire appliquer la résolution.
Je voudrais ici rappeler trois choses à ceux qui bombardent quotidiennement la Ghouta : 1/ d’abord, que la lutte contre le terrorisme, dans laquelle la France est pleinement engagée, ne peut servir de prétexte au massacre de populations civiles. C’est quand même le comble du cynisme ; 2/ ensuite que la priorité va à l’acheminement de l’aide alimentaire et médicale et aux évacuations médicales d’urgence, en accord avec le droit international humanitaire dont la mise en œuvre est une obligation qui s’impose à nous tous ; 3/ enfin, en plus de notre refus que les violences se poursuivent, le fait que la communauté internationale ne se résignera pas à l’emploi d’armes chimiques. La France a été particulièrement claire sur ce dossier, avec d’autres.
Enfin, dernière remarque, à partir de cet appel à l’action, nous avons tous la responsabilité de convaincre ceux qui ont une influence sur le régime après toutes ces années de guerre que la seule issue est bien politique, comme l’ont rappelé nos panélistes, fondée sur la résolution 2254 qui est plus que jamais notre boussole commune. D’où l’importance, en même temps que nous appuyons à la mise en œuvre de la résolution, de pousser les feux pour la mise en place de ce comité constitutionnel et l’ouverture à Genève des négociations qui seules permettront de créer la dynamique politique que nous attendons.
A partir de là, je voudrais poser deux questions :
D’abord, nous serions intéressés à savoir où en sont les discussions sur le terrain avec chacun des groupes armés qui ont exprimé leur disposition à négocier une cessation des hostilités et à promouvoir le départ des combattants terroristes reconnus comme tels par les Nations unies.
Deuxième question : au-delà de la mise en œuvre de la résolution 2401, qui est encore une fois notre obligation commune et qui nous réunit aujourd’hui, quelles sont les propositions qui pourraient être faites par cette assemblée, y compris par nos panélistes, sur les actions que pourrait entreprendre le Conseil de sécurité ? J’étais très intéressé sur ce plan par les propositions que vient de formuler Ahmad Tarakji.