Au Darfour, la lutte contre l’impunité doit rester une priorité [en]
Darfour
Intervention de Mme Shéraz Gasri, Conseillère Juridique à la Représentation Permanente de la France auprès des Nations unies
Conseil de sécurité - 18 décembre 2019
Je remercie Madame la Procureure Bensouda pour son rapport et sa présentation.
En tant qu’acteur central du système multilatéral et juridiction permanente à vocation universelle, la Cour pénale internationale a besoin de la pleine coopération de tous. Plus que jamais, elle doit pouvoir mener à bien les missions qui lui ont été assignées : rendre une justice indépendante et impartiale là où les juridictions nationales ne sont pas en mesure de le faire, mettre fin à l’impunité des crimes les plus graves et contribuer ainsi aux efforts de stabilisation et de réconciliation.
Ces missions lui incombent aujourd’hui encore au Darfour, quatorze ans après l’adoption de la résolution 1593 par le Conseil de sécurité en 2005. La France réaffirme son soutien au travail effectué par la Procureure et ses équipes que nous saluons à notre tour pour rendre justice aux victimes des crimes qui y ont été commis. La France est convaincue qu’il s’agit d’une condition au succès de la transition soudanaise.
La lutte contre l’impunité doit en effet constituer une priorité, afin d’avancer vers un système juste et démocratique. Nous saluons à cet égard les engagements du Premier ministre Hamdok, et nous appelons notamment les autorités soudanaises à donner à la Commission d’Enquête sur les événements du 3 juin les moyens requis pour conduire ses travaux en toute indépendance. Les résultats de cette enquête doivent permettre de faire la lumière sur la dispersion violente du sit-in et d’en identifier les responsables. Ceux-ci doivent répondre de leurs actes devant la justice.
Monsieur le Président,
La situation au Darfour demeure précaire. Sur la période couverte par le rapport, les combats ont encore causé des dizaines de victimes civiles et plusieurs milliers de déplacés, notamment des femmes et des enfants. Les femmes et les filles continuent à subir des violences sexistes, des violences sexuelles et des violations graves sont encore commises à l’encontre d’enfants. A cet égard, la France souhaite, à son tour, rappeler l’importance capitale que joue la MINUAD pour protéger les populations civiles et rendre compte des violations des droits de l’Homme.
Malgré cette situation précaire, la France voit dans la transition l’opportunité d’ouvrir un nouveau chapitre entre les autorités soudanaises et la Cour pénale internationale, qui permettrait au Soudan de respecter enfin les obligations qui lui incombent en vertu de la résolution 1593. Nous appelons le Soudan à permettre aux équipes du Procureur de se rendre au Darfour. Il s’agirait d’un signal fort qui permettrait en outre d’établir le dialogue indispensable à l’établissement d’une relation de confiance.
Monsieur le Président,
La France salue l’arrestation et la détention de trois des cinq suspects recherchés par la Cour pénale internationale. Nous prenons note de la décision d’une juridiction nationale samedi dernier de condamner M. el Bechir à deux ans de détention pour des faits de corruption, ainsi que de la plainte déposée à l’encontre des principaux responsables du coup d’Etat de 1989. Nous appelons les autorités soudanaises à entamer des poursuites pour les crimes présumés détaillés dans les mandats d’arrêt délivrés à leur encontre par la Cour pénale internationale, ou à les remettre à la Cour, conformément au principe de complémentarité. De tels développements constitueraient une manifestation très concrète de la volonté du Soudan d’effectuer un pas décisif vers la justice, la paix et la reconnaissance aux victimes des crimes commis au Darfour.
En parallèle, nous espérons que les négociations avec les groupes armés du Darfour et des deux régions, qui viennent de reprendre à Djouba, aboutiront à un accord permettant de construire une paix durable. Nous encourageons tous les groupes armés à rejoindre sans délai ce processus de négociation. C’est dans cet esprit que nous avons facilité une rencontre entre le Premier ministre Hamdok et Abdelwahid Nour, le 29 septembre dernier à Paris.
Je vous remercie Monsieur le Président.