L’intensification de la colonisation israélienne est extrêmement préoccupante [en]
Moyen Orient – Question palestinienne
Intervention de M. Nicolas de Rivière, représentant permanent de la France auprès des Nations unies
Conseil de sécurité – 18 décembre 2019
Monsieur le Président,
Je tiens tout d’abord à remercier M. Mladenov pour son intervention et Mme Raemer pour son témoignage.
Je souhaite également remercier le Secrétaire général pour son rapport sur la mise en œuvre de la résolution 2334. Trois ans après l’adoption de cette résolution, la France regrette qu’elle ne soit pas mise en œuvre.
Le rapport du Secrétaire général est sans appel : il fait état d’une intensification sans précédent de la colonisation, avec des décisions portant sur plus de 22 000 unités d’habitation à différents stade du processus d’approbation, ainsi que 8 000 autres ayant fait l’objet d’un appel d’offre depuis l’adoption de la résolution 2334 en décembre 2016.
La France rappelle que la politique israélienne de colonisation dans les territoires palestiniens occupés est contraire au droit international. Elle est très préoccupée par la poursuite de la colonisation dans des zones susceptibles de fragiliser la continuité territoriale du futur Etat palestinien, notamment à Gilo. Elle s’inquiète des annonces relatives à la construction de nouvelles unités de logement dans des zones particulièrement sensibles, comme dans la colonie de Nor Tzion à Jérusalem-Est ou dans l’ancien marché de la vieille ville d’Hébron. Elle déplore les travaux d’infrastructures visant à renforcer l’intégration entre l’ensemble des colonies situées dans la région de Jérusalem d’une part, et entre ces colonies et le centre d’Israël d’autre part.
Les destructions et saisies de propriétés palestiniennes, sont également en forte hausse cette année à Jérusalem-Est et en zone C. Nous notons avec préoccupation les destructions de 26 infrastructures financées par la communauté internationale, notamment par les pays de l’Union européenne, au cours des trois derniers mois.
Enfin, les annonces répétées d’officiels israéliens sur l’annexion de colonies ou de pans entiers de la Cisjordanie sont une source de préoccupation majeure. Si elles étaient mises en œuvre, elles constitueraient une violation grave du droit international.
Nous appelons donc les autorités israéliennes à renoncer à tout projet qui créerait des faits accomplis allant à l’encontre de la solution des deux Etats. Nous resterons particulièrement attentifs à l’évolution de la situation, en nous tenant prêts à réagir, en lien avec nos partenaires européens.
La situation à Gaza reste également fragile. La France a condamné sans ambiguïté les tirs de roquettes depuis Gaza vers des zones habitées d’Israël, également en violation du droit international. Elle rappelle son engagement indéfectible en faveur de la sécurité d’Israël. Nous avons également rappelé le droit des Israéliens comme des Palestiniens à vivre dans la paix, la dignité et la sécurité et déploré les victimes civiles, de part et d’autre. Il importe désormais que le cessez-le-feu conclu le 14 novembre grâce aux efforts de l’Egypte et du Coordinateur spécial soit pleinement respecté.
Au-delà de l’impératif de respect du cessez-le-feu, il n’y aura pas de stabilité durable à Gaza sans une levée du blocus assortie de garanties de sécurité crédibles pour Israël et sans le retour de l’Autorité palestinienne, dans le cadre de la réconciliation inter-palestinienne.
La tenue d’élections palestiniennes crédibles en Cisjordanie, à Gaza et Jérusalem-Est, constituerait une étape indispensable en vue de la réconciliation inter-palestinienne et afin de renforcer les institutions issues des Accords d’Oslo. J’appelle dans ce contexte les autorités palestiniennes à poursuivre leurs efforts en ce sens et je rappelle notre disposition à les soutenir dans cette voie.
Enfin, je souhaite rappeler qu’il n’y a pas d’alternative à un accord issu de négociations entre les parties, sur la base des paramètres internationalement agréés.
Seule la solution des deux Etats, avec Jérusalem pour capitale de ces deux Etats, permettra de répondre aux aspirations des Israéliens et des Palestiniens en leur permettant de vivre côte à côte, en paix et en sécurité, ainsi que d’apporter une paix durable à la région. Toute solution qui s’éloignerait des paramètres agréés par la communauté internationale serait nécessairement vouée à l’échec.
Il n’y a pas de statu quo sur le terrain, mais une dégradation de la situation qui est à terme intenable ; ce n’est dans l’intérêt d’aucune des parties. Cela contribue à accroître les tensions, à remettre en cause la solution des deux Etats et à éloigner les perspectives d’une paix durable ce qui ne peut qu’alimenter le désespoir et les tentations de l’extrémisme.
Le mandat de l’UNRWA restera crucial tant qu’une paix durable qui apporte une solution juste, réaliste et pérenne à la question des réfugiés n’est pas trouvée. La France se félicite du renouvellement du mandat de l’Agence pour trois ans. Elle appelle à un sursaut de la mobilisation internationale afin de combler son déficit financier d’ici la fin de l’année. Pour sa part, la France a doublé sa contribution à l’UNRWA cette année.
Trois ans après l’adoption de la résolution 2334, il est temps de la mettre en œuvre. Il en va de la crédibilité de ce Conseil et de notre crédibilité à tous. A cet égard, le rapport du SGNU mentionne la décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 12 novembre 2019 sur l’obligation d’étiquetage des produits originaires des territoires palestiniens occupés, et des colonies israéliennes. Les mesures d’étiquetage répondent à l’exigence de la résolution 2334 de mettre en œuvre une politique de différenciation.
La France continuera à se mobiliser en vue de la mise en œuvre de la résolution 2334.
Je vous remercie.